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Editorial

Pensée historique et recherche stratégique

Par Hervé Drevillon, directeur du domaine histoire de la défense et de l’armement

Un an après la disparition du Centre d’Études d’Histoire de la Défense et du Département d'Histoire de l'Armement, les chercheurs du domaine « Histoire de la défense et de l’armement » ont pris toute leur place au sein de l’IRSEM, en y développant des programmes propres ouverts aux autres disciplines et en participant à de nombreux projets transversaux. Cette pratique de la pluridisciplinarité était l’une des ambitions fondatrices de l’IRSEM. L’histoire y contribue avec la spécificité de sa méthode et de son regard, qui ne consiste pas, comme on le croit trop souvent, à rechercher dans le passé la réponse aux questions du présent. La démarche historique n’est pas régressive et il faut se résoudre à considérer le passé pour ce qu’il est : le temps de ce qui est révolu. « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament », écrit René Char. Pourquoi, dès lors, s’acharner à comprendre les morts et leur legs, qui ne subsiste plus que sous la forme d’incertains vestiges ?


Dans son traité de stratégie, Liddell Hart définit l’histoire comme une « expérience pratique », mais il n’a pas la naïveté d’y rechercher des principes exploitables comme autant de recettes infaillibles. De fait, l’histoire est un défi lancé à une pensée stratégique confortablement installée dans ses certitudes. Les conflits que nous vivons aujourd’hui et qui appartiendront un jour à l’histoire possèdent une singularité qui les distingue de tous ceux qui les ont précédés. L’histoire ne nous enseigne pas la façon de les résoudre, mais elle nous aide à mieux les interroger. Lorsque, au XVIIIème siècle, Frédéric II chercha à surmonter le blocage tactique qui avait annihilé toute idée de manœuvre dans l’art de la guerre, il se tourna vers l’Antiquité pour y trouver l’antidote aux routines qui avaient sclérosé la pensée stratégique de son siècle. L’histoire, en effet, est un art du dépaysement, dont Georges Duby a défini la salutaire méthode dans Le Dimanche de Bouvines : « Je m’approchai des combattants de Bouvines comme d’une peuplade exotique, notant l’étrangeté, la singularité de leurs gestes, de leurs cris, de leurs passions, des mirages qui les éblouissaient ».


Face à la sollicitation sans cesse renouvelée de l’actualité, l’analyse stratégique est happée par l’injonction de comprendre l’inouï et l’inédit. L’histoire lui apporte le secours d’une pensée distanciée, qui permet de prendre le recul nécessaire au développement d’une réflexion neuve et imaginative, dont l’IRSEM a pour mission de favoriser l’éclosion. Évidemment, elle ne joue pas, dans ce domaine, un rôle exclusif. Ce qui distingue notre époque de celle de Frédéric II, voire de celle, plus proche, de Liddell Hart, c’est la possibilité de mobiliser d’autres sources d’« expérience pratique » grâce au développement des sciences humaines et sociales. L’histoire a cessé d’être la référence unique de la pensée stratégique. Elle est aujourd’hui une discipline active, dynamique et indispensable... parmi d’autres. Certains s’en désolent en regrettant le temps où Foch pouvait écrire : « Nos modèles et les faits sur lesquels nous assoirons une théorie, nous les demanderons à certaines pages de l’histoire. » Il faut, au contraire, y voir une chance. Car, débarrassée de la responsabilité de dicter sa loi au présent, l’histoire peut désormais être étudiée pour elle-même et pour la singularité de ses enseignements. Moins hégémonique, moins écrasante, elle est aussi plus libre, plus inventive et, prenons-en le pari, plus stimulante.


C’est cette dynamique que l’IRSEM entretient en accueillant toute la diversité de la recherche historique. Au sein du ministère de la défense, celle-ci répond à une grande diversité de besoins, depuis la formation initiale et continue des officiers jusqu’à la définition des politiques mémorielle et patrimoniale. À toutes ces déclinaisons de l’histoire, l’IRSEM offre un espace de collaboration et la perspective d’une ouverture aux autres disciplines, à toute l’amplitude du spectre chronologique et à tous les espaces géographiques.


Pour cette année 2010-2011, les chercheurs du domaine « Histoire de la défense et de l’armement » ont choisi de réaliser cette ambition à travers deux nouveaux programmes qui s’ajoutent aux trois déjà existants (« anthologie de la pensée militaire française », « la sécurité maritime à travers l’histoire », et « stratégie et armement »). Intitulé « Dire la guerre. Qualifier et caractériser les conflits armés, de la préhistoire à nos jours », le premier ambitionne de nourrir la réflexion conceptuelle de l’IRSEM en interrogeant les héritages et les usages dont les mots de la guerre sont porteurs. Au cours d’un séminaire mensuel, nous nous intéresserons à la façon dont les contemporains et les acteurs d’un conflit le désignent, dans les médias aussi bien que dans une perspective opérationnelle. L’interrogation portera également sur les variations historiques et les usages historiographiques des catégories de la guerre. Menée sur la longue durée, la réflexion mobilisera plusieurs approches disciplinaires, depuis la philosophie (le concept de guerre civile) jusqu’au droit (la qualification pénale dans les conflits actuels), en passant par la science politique (les enjeux de la déclaration de guerre).


Un second programme de recherches sera consacré à l’histoire du ministère de la défense. Au-delà d’une histoire administrative et institutionnelle, il s’agira d’étudier l’organisation ministérielle de la défense comme un creuset de la construction de l’État et comme un révélateur des rapports de la société avec l’horizon guerrier et le fait militaire. Cette réflexion sur le lien entre guerre, État et société s’inscrit dans un contexte de profond renouvellement des questionnements et des méthodes. Ici comme ailleurs, la diversité des approches disciplinaires joue un rôle extrêmement stimulant. Par exemple, la réflexion historienne sur la genèse de l’État moderne se nourrit des apports de la sociologie des organisations et, en retour, apporte à celle-ci une pensée de la dynamique. Sur un tel sujet, la durée prise en compte ne saurait être aussi large que pour le thème précédent. L’histoire du ministère de la défense débute au XVIIème siècle avec l’organisation du département de la guerre qui se dote d’un dépôt d’archives en 1688. Le ministère est donc né en même temps qu’il s’est donné les moyens de se doter d’une mémoire. Le Service Historique de la Défense, qui témoigne de ce lien indissoluble entre l’institution et son histoire, sera à la fois un objet et un acteur de ce programme de recherche. L’histoire, au sein de l’IRSEM, n’est pas un pré carré, mais un point de convergence entre les multiples sensibilités qui font la richesse d’une discipline ouverte.

Actualités de l'Irsem

Appel à propositions de l'Irsem 2011

En 2011, l'Irsem pilote deux études prospectives et stratégiques (EPS) :


• EPS 2011- 26: Analyse comparative de la stratégie spatiale des pays émergents : Brésil, Inde, Chine
Date de clôture : 04 janvier 2011
• EPS 2011- 27: Relation homme-robot : prise en compte des nouveaux facteurs sociologiques
Date de clôture : 06 janvier 2011
 

Programmes de recherche et conditions de candidature...

Allocations et bourses de thèses 2011

Les missions essentielles de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) sont d'encourager, de commanditer et de valoriser les recherches en sciences humaines sur les problématiques liées aux questions de sécurité et de défense, dans un débat public rigoureux et scientifique.


Trois programmes de soutien financier sont proposés par l'Irsem :


- Les allocations de thèses de l'Irsem

- Les allocations de thèses en histoire militaire et de la défense

- Les bourses en sciences humaines et sociales (bourses DGA-IRSEM)

Conditions de candidature...

Vient de paraître : "L'approche globale dans la gestion civilo-militaire des crises : analyse critique et prospective du concept"

Dr. Cécile Wendling, col. Cahiers de l'Irsem n°6

Face à la récurrence de crises complexes nécessitant une meilleure coordination des acteurs civils et militaires, internationaux et locaux, le concept d’approche globale a émergé aussi bien au niveau des organisations internationales (Otan, EU, Onu, etc.) que des Etats (Etats-Unis, France, Angleterre, etc.). Il s’agit d’œuvrer à restaurer la sécurité, la gouvernance et le développement, par une approche inter-agence, interministérielle ou encore inter-organisationnelle.

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Vient de paraître : Etudes de l'Irsem n°4 "Otan : continuité ou rupture ?"

Sous la direction du général (2s) Jean-Paul Perruche

« L’adoption d’un nouveau concept stratégique par l’Otan répond à un besoin de vérifier que l’Alliance reste apte à remplir le contrat sécuritaire qui lie ses membres dans un contexte qui a évolué. […] La définition du concept 2010 intervient sur fond de mondialisation, en un temps où défense et sécurité s’imbriquent de plus en plus et requièrent une approche globale et mondiale. […] C’est dans ce contexte qu’il s’agit de redéfinir le rôle de l’Alliance et d’adapter en conséquence, son organisation, ses structures et ses capacités. […] Continuité ou rupture ?

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Groupes de travail

Compte-rendus de colloques et interventions des chercheurs de l'Irsem

 

 

 


Retour sur le colloque IRSEM du 24 novembre 2010 : "Quels partenariats stratégiques pour la France ?"

Colloque Irsem du 24 novembre 2010Le colloque annuel de l’Irsem consacré à un bilan stratégique de l’année 2010 s’est tenu avec succès le 24 novembre 2010 autour des partenariats stratégiques de la France dans un contexte international en mutation. Alors que l’Union européenne post-Lisbonne développe de nouveaux outils pour son action extérieure, alors que la France et la Grande Bretagne ont récemment signé un accord historique de défense et que l’OTAN a rendu public son nouveau concept stratégique, l’Irsem a réuni des experts de haut niveau, civils et militaires, universitaires et décideurs, pour une journée riche de réflexion et de débats.


Comptes-rendus :

Dossier stratégique

L’Asie stratégique

À l’heure d’une redistribution des cartes de la puissance, de la recrudescence des tensions bilatérales en mer de Chine/mer orientale et d’une recomposition partielle des alliances, les recherches sur les enjeux stratégiques en Asie orientale ont pris toute leur place au sein de l’Irsem, dans le cadre de manifestations scientifiques et de programmes de recherche pluridisciplinaires appelés à être élargis et développés.


Après avoir organisé un colloque sur la guerre de Corée et ses prolongements actuels, en juin 2010, dont les actes seront publiés en 2011, un groupe de travail transdisciplinaire a été constitué en vue de la publication d’une étude de l’Irsem, au printemps 2011, sur l’évolution du débat stratégique en Asie du Sud-Est depuis 1945. Sans prétendre à l’exhaustivité, cette étude développera successivement trois grands domaines : la politique des grandes puissances et des anciennes puissances coloniales dans la région, les stratégies militaires et les contentieux territoriaux, enfin les nouvelles menaces transnationales. Les conclusions en seront présentées lors d’une journée d’études organisée le 22 juin prochain à l’école militaire.

 

Le dossier stratégique présenté dans cette lettre reflète quelques-unes des nombreuses préoccupations que suscite l’affirmation croissante de la puissance chinoise dans toute la région, et bien au-delà.

Entretien avec Valérie Niquet, responsable du pôle Asie de la FRS

Conduit par Pierre Journoud, chargé d’études à l’Irsem

Pierre Journoud : Vous étudiez la Chine depuis de nombreuses années, notamment dans le domaine stratégique. Quels sinologues vous ont plus particulièrement inspirée ?

 

Valérie Niquet : J’ai eu la chance de pouvoir commencer à étudier le Chinois très tôt, dans l’un des premiers lycées qui, dès les années 1950, avait décidé d’offrir cette ouverture sur un monde nouveau à ses élèves, le Lycée de Montgeron. Martine Vallette Hémery1, dont je ne connaissais pas à l’époque l’œuvre de traductrice, a profondément contribué à mon intérêt pour la Chine et sa civilisation. Plus tard, c’est le travail de Simon Leys2, dont toutes les analyses demeurent d’une très grande actualité, qui a fortement inspiré ma réflexion sur la Chine.

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L’asymétrie de la relation sino-vietnamienne au cœur de la stratégie globale des Vietnamiens

Par Pierre Journoud, chargé d’études à l’Irsem

Au Nord, une grande puissance redevenue mondiale de plus d’1,3 milliards d’habitants sur un territoire d’un million de km², riche d’une civilisation cinq fois millénaire qui a irrigué toute l’Asie orientale. Au Sud, une petite puissance régionale de 84 millions d’habitants encore classée, malgré le dynamisme économique dont elle fait preuve depuis une vingtaine d’années, parmi les « pays à revenu moyen ». Entre les deux, une frontière terrestre de 1 400 km, dont le travail de délimitation et de bornage s’est achevé en décembre 2008, conformément au traité sur la frontière terrestre sino-vietnamienne signé en 1999. Et surtout, plus de deux mille ans d’une histoire parfois harmonieuse, plus souvent conflictuelle mais, tout au moins vue de Hanoi, jamais indifférente. La prégnance de ces réalités géographiques et historiques, et des représentations inégales qu’elles ont suscitées dans les mentalités collectives, méritent d’être rappelées pour appréhender la singularité de la relation sino-vietnamienne et l’intérêt de son étude dans le domaine stratégique. Car, dans le « pays des Viêts du Sud » qui s’est construit dès ses origines au contact intime de la civilisation chinoise, lui empruntant nombre de ses traits tout en forgeant progressivement sa propre personnalité, l’affirmation croissante de la puissance chinoise dans son environnement régional est redevenue une préoccupation stratégique majeure et, pour tout dire, une réelle source d’inquiétude à l’heure de la commémoration officielle de 60 ans de relations diplomatiques entre Pékin et Hanoi.

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L’équation stratégique nouvelle de l’Asie du Nord-Est

Par le Contre-Amiral (2s) Jean Dufourcq, directeur d’études à l’Irsem

Il n’est pas inutile d’étudier aujourd’hui le système stratégique régional qui articule entre eux la masse chinoise, la péninsule coréenne et l’archipel nippon. Il pourrait évoluer.

 

Les relations stratégiques qu’entretiennent en effet le Japon, les deux Corées et les deux Chines ont à l’évidence une valeur régionale centrale dans la mesure où elles conditionnent une forme d’équilibre entre des acteurs aux systèmes politiques normalement incompatibles et aux relations historiques tumultueuses, faites d’allégeances, de dépendances et de conflits. Elles influent aussi sur la sécurité de la planète dans la mesure où la réassurance du Japon et de Corée du Sud par la présence militaire américaine constitue l’une des deux pinces qui enserrent pour la confiner la nouvelle puissance chinoise alors que l’autre pince traverse l’Asie centrale en provenance, via l’Otan, du Caucase, de la Méditerranée et l’Atlantique. Ces relations régionales sont aussi le révélateur d’une pratique stratégique asiatique mal connue dans le monde occidental, une pratique plus adepte des manœuvres d’investissement spatial du jeu de Go que des coups savants du jeu d’échec, plus familière des prises du judo que des uppercuts de la boxe, et plus attentive sans doute aux damiers variés de l’économie, de la finance et du commerce qu’à ceux des ordres de bataille militaires et des instruments de la souveraineté technologique.

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Enjeux

L’opinion publique et les pertes en opérations

Par Barbara Jankowski, responsable de programmes à l'Irsem

Dans les démocraties, les gouvernants qui, tôt ou tard, doivent rendre des comptes à leurs électorats, sont contraints de se préoccuper des conséquences des actions militaires qu'ils engagent et, notamment, des pertes subies. Ce dossier présente trois éclairages relatifs à l’opinion publique et aux pertes en opérations : l'influence des pertes sur le soutien de l'opinion publique à une intervention militaire, le traitement médiatique des pertes françaises en Afghanistan et la manière dont les armées appréhendent le soutien de l'opinion et le rôle des médias. Trois contributions y figurent : celle d'un chercheur de l'IRSEM, l'interview du conseiller communication du chef d'état-major des armées et celle d'un journaliste du Parisien.

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Entretien avec le Colonel Thierry Burkhard, conseiller communication du Chef d'état-major des armées

Conduit par Barbara Jankowski, responsable de programmes à l'Irsem

Barbara Jankowski : L'annonce de décès parmi les militaires en Afghanistan s'accompagne souvent de commentaires sur l'indifférence des Français à l'égard de la mort de nos soldats. Les militaires évoquent ce qui se passe au Canada ou en Angleterre, lors des cérémonies de retour des cercueils, plus suivies par la population qu'en France. Qu'en pensez-vous ?


Colonel Th. Burkhard : Oui, il y a effectivement cette perception chez les Français, mais elle n'est pas propre aux décès, elle concerne plus globalement notre engagement en Afghanistan qui n'intéresse pas beaucoup la population et, évidemment, cela est plus visible lorsqu'il y a des morts. Mais sous-entendre qu'en France on ne ferait rien est erroné.

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Entretien avec Henri Vernet, rédacteur en Chef Adjoint du Parisien

Conduit par Barbara Jankowski, responsable de programmes à l'Irsem

Barbara Jankowski : L'annonce de décès parmi les militaires en Afghanistan s'accompagne souvent de commentaires sur l'indifférence des Français et des médias à l'égard de la mort de nos soldats. Qu'en pensez-vous ?

 

Henri Vernet : Ce n’est pas exact. Quand un soldat meurt, c’est évoqué. On ne peut pas dire que ce soit en dernière page. On fait au moins un quart de page, avec le nom et la photo du soldat. On est souvent les premiers dans la presse nationale à donner des éléments sur la biographie et le régiment d’appartenance du militaire. Cet été, on a fait une double page au moment du décès des deux militaires du 21ème RIMa de Fréjus (« le fait du jour », en pages 2 et 3). On essaie de comprendre ce qui s’est passé, de personnaliser les informations, on parle du combat, on restitue le contexte. Après, évidemment, il y a la symbolique. Les chiffres ronds, les anniversaires et la symbolique, comptent. Le quarantième, le cinquantième. Les Français ont été marqués par Uzbeen, en 2008 : dix hommes d’un seul coup. Ca marque. Il y a eu un véritable moment d’émotion et d’empathie. On a plusieurs personnes du service qui vont régulièrement là-bas. On fait aussi des reportages en dehors de ces événements sur ce qui s’y passe.

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Portrait du mois

Portrait Sven Biscop

Par Frédéric Charillon, directeur de l'Irsem

Directeur du programme « Security & Global Governance » au Palais d’Egmont, siège de l’Institut Royal de relations internationales (IRRI) de bruxelles, le Professeur Sven Biscop fait partie des éléments les plus actifs d’un réseau européen de think tanks qui contribuent depuis quelques années à renouveler considérablement le débat sur la politique étrangère, de sécurité et de défense de l'Union Européenne. Initialement spécialiste des questions méditerranéennes (sa thèse, publiée en 2003, avait pour titre « Euro-Mediterranean Security : A Search for Partnership » - Ashgate, Londres), il s’efforce désormais non seulement d’expliquer les mécanismes de l’action extérieure européenne, mais également d’en définir les grandes lignes stratégiques. Les papiers qu’il produit lui-même où qu’il édite en tant que rédacteur en chef de la revue Studia Diplomatica et des désormais célèbres Egmont Papers (http://www.egmontinstitute.be/paper_egm.html), affichent le souci d’une réflexion globale, analytique, souvent désireuse d’englober plusieurs approches nationales du Vieux Continent pour les rendre compatibles entre elles. Car ce chercheur de langue maternelle flamande, parfait francophone également et qui produit l’essentiel de ses travaux en anglais, cultive l’identité européenne comme une conviction forte. Membre de nombreux conseils scientifiques (dont celui de l’IRSEM, mais également du European Security and Defence College, ou des revues European Foreign Affairs Review, Internationale Spectator et European Security), il est initiateur de nombreux projets de recherche stratégique en réseau.

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Livre du mois

Pierre Manent, Les métamorphoses de la cité. Essai sur la dynamique de l’Occident, Paris, Flammarion, 2010

Par Frédéric Ramel, directeur scientifique de l'Irsem

Issu du fameux séminaire que Pierre Manent organise depuis des années au sein de l’EHESS, Les métamorphoses de la Cité proposent une histoire de la dynamique politique en Occident. Ouvrage qui s’inscrit dans le prolongement direct des travaux que l’auteur a consacré tant à l’émergence qu’aux propriétés de la modernité, son propos est d’explorer les modalités de l’association humaine ainsi que leur succession depuis la Grèce antique jusqu’à l’Europe contemporaine : la Cité, l’empire, l’Eglise, la nation. Le lecteur retrouvera les composantes majeures de la réflexion que mène Pierre Manent, notamment la primauté accordée au politique dans une filiation avec la « science politique ancienne ». Contrairement à la « science politique moderne » ayant comme particularité de privilégier les facteurs sociaux et/ou économiques en vue de saisir les caractéristiques des régimes politiques modernes, celle-ci place au centre des préoccupations la production du commun (qu’est-ce que la chose commune ?). Le lecteur découvrira également des développements stimulants consacrés à l’origine de la forme nation (que Manent fait remonter à la Réforme laquelle absorbe les fonctions que remplissait l’Eglise jusqu’alors en tant que médiatrice avec Dieu) (p. 407-413), ou bien à Cicéron (omniprésent dans la seconde partie de l’ouvrage) : une figure pivot dans ces Métamorphoses puisqu’il fut le premier à penser une transformation de la forme politique « Cité » en forme « Empire ».

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