Dossier stratégique

L’Afrique, un partenaire stratégique ?

Par Amandine Gnanguênon, chargée d'études à l'Irsem

L’Afrique, continent riche en matières minières, en produits hydrocarbures et en terres agricoles, occupe une place centrale sur l’échiquier mondial. Dans cette zone considérée comme stratégique, nombreux sont les pays à avoir développé de véritables politiques d’influence afin de promouvoir leurs intérêts et de sécuriser leurs approvisionnements. De l’Asie, à l’Amérique Latine, en passant par la péninsule arabique, les États-Unis, la Russie ou l’Europe, une majorité d’acteurs est convaincue qu’il est indispensable et urgent de se tourner vers un continent qui constitue un véritable atout au plan politique et économique.

 

Les pays asiatiques
La politique du Japon en Afrique s’est orientée à la fois vers une « diplomatie des ressources », constante dans un pays qui en est totalement dépourvu, et une « diplomatie de l’aide ». Le Japon a été le premier pays non colonisateur a lancé un cycle de conférences bilatérales, la Conférence internationale de Tokyo sur le développement africain (TICAD) en 1993. Le Japon, qui a des ambitions de diplomatie globale à la mesure de sa puissance économique, cherchant notamment à obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, a besoin de l'appui des pays africains.

 

À la recherche de ressources énergétiques, de minerais et matières premières, la Chine s’est particulièrement intéressée à l’Afrique dans les années 1990. La nécessité de nourrir sa croissance économique suppose qu’elle s’investisse dans des zones où les opportunités de conclure des marchés se présentent. Pékin tend ainsi à combler le vide créé par le retrait des puissances occidentales de certaines zones à risque. La Chine cherche à offrir une forme de « package diplomatique » aux pays africains. Elle joue sur son double statut de pays en développement et de grande puissance capable de peser sur les grandes orientations stratégiques du monde.
 

Propulsée par une forte croissance intérieure, l’Inde est attirée par les riches sous-sols africains. Sa politique repose sur la corrélation entre une diplomatie du développement et une diplomatie économique. Le groupe Tata est le fer de lance d’une stratégie africaine qui remonte aux années 1960. Depuis 2007, New Delhi participe au forum Inde-Brésil-Afrique du Sud (IBAS).

 

Dans la mesure où une partie du combat pour la première place en Asie se joue en Afrique, d’autres pays ont également vu leur commerce avec l'Afrique augmenter considérablement. La Malaisie, dont les marchés traditionnels sont saturés, est à la recherche de nouveaux partenaires, particulièrement en Afrique francophone. Elle se comporte en véritable partenaire économique tout en s’approvisionnant en matières premières à moindre coût. Le Viêt Nam a organisé son premier forum de coopération et de développement Viet Nam-Afrique à Hanoi en mai 2003. Enfin, les échanges commerciaux entre la Corée du Sud et l'Afrique restent quant à eux élevés.

 

Les pays d’Amérique Latine 
Les enjeux économiques et commerciaux ne permettent pas à eux-seuls d’expliquer l’intense activité diplomatique menée par le Brésil en Afrique. Pays au sous-sol extrêmement riche, le territoire brésilien n’est en effet que partiellement mis en valeur. L'intérêt du Brésil pour le continent africain a d'abord un fondement culturel et historique. Son activisme diplomatique se justifie en outre par la question du statut de membre permanent au Conseil de sécurité auquel il aspire. Enfin, son objectif est de contribuer au développement du continent par le biais d’aides commerciales et de programmes de coopération dans le domaine médical et agricole.

 

Le Venezuela, s’inspirant des expériences du Brésil et de Cuba, se focalise d’abord sur les questions politiques et culturelles pour renforcer ses relations avec l’Afrique. Son offensive diplomatique vise à poser les bases pour des échanges économiques, commerciaux et technologiques. En septembre 2009, lors du lors du deuxième sommet Amérique du Sud-Afrique, le Venezuela a d’ailleurs signé huit accords énergétiques notamment avec l'Afrique du Sud, le Cap Vert, le Soudan et la Mauritanie.

 

L’Arabie Saoudite
Le plus ancien réseau de relations entre l’Afrique noire et l’Arabie saoudite est lié au pèlerinage à La Mecque. L’aide saoudienne passe par plusieurs voies : les canaux régionaux (arabes ou islamiques) et internationaux (OPEP, Banque pour le développement économique en Afrique et le Fonds de solidarité islamique) ; le fonds saoudien de développement et l’aide bilatérale. Le 15 novembre 2009, un forum Arabie Saoudite/Afrique de l’Est s’est tenu en Ethiopie. Il portait sur l’investissement de l’Arabie Saoudite dans l’agriculture commerciale en Afrique de l’Est.

 

L’Iran
Cet État cherche à construire de nouvelles alliances pour rompre son isolement international, renforcer son économie et tenter de se soustraire à de nouvelles sanctions de la part de l’ONU. Alors qu’il bénéficie déjà d’un statut d’observateur à l’UA, le pays a annoncé la tenue prochaine d’une réunion conjointe Iran-Afrique à Téhéran au niveau des ministres des Affaires étrangères. Sa participation au D8, groupement économique et commercial de huit Etats islamiques est l’occasion de se rapprocher de pays comme le Nigeria, actuellement à la présidence tournante du Conseil de sécurité des Nations unies.

 

La Russie
En juin 2009, le nouveau président russe Dimitri Medvedev a effectué une vaste tournée africaine dans quatre pays jugés « stratégiques » : Égypte, Nigéria, Namibie et Angola. Après dix ans d’absence sur le continent africain, la Russie accuse un certain retard sur la Chine dans la conquête des marchés africains (Angola, Soudan). À la différence de celle-ci mais aussi des États-Unis, Moscou ne dépend pas de l’étranger pour ses besoins en énergie mais souhaite diversifier ses ressources (gaz naturel, pétrole). Ses réserves en pétrole étant relativement modestes, la Russie pratique une « diplomatie des matières premières » en Afrique.

 

Les États-Unis
Les principaux axes de la politique américaine en Afrique restent la lutte contre le terrorisme, la sécurité énergétique, le développement économique du continent et la démocratie. Sur le plan diplomatique, l’Afrique reste une priorité en raison de la situation volatile au Darfour, de l’insécurité grandissante en Somalie et son incidence sur le commerce et la sécurité internationale, de la situation politique et économique au Zimbabwe et enfin de la guerre civile en RDC malgré les acquis notables enregistrés. Les États-Unis mettent aussi l’accent sur la lutte contre le SIDA, le paludisme, et la mise en place de nombreux programmes de renforcement de l’éducation en Afrique. Les relations bilatérales dépendent de la transparence, des évolutions constitutionnelles, de l’organisation d’élections libres et de la lutte contre la corruption.

 

Les pays européens
Il est possible de distinguer trois catégories d’États européens impliqués en Afrique. Tout d’abord, pour les pays de l’ancien bloc de l’Est (nouveaux pays adhérents à l’Union européenne), l’Afrique est loin d’être une préoccupation majeure. En fonction de leurs priorités sécuritaires, ils sont plus ou moins impliqués dans le partenariat paix et sécurité. Les pays dits « nordiques » (Suède, Finlande, Danemark, Norvège) se caractérisent traditionnellement par une politique de défense qui repose sur le critère de la neutralité (Danemark, Norvège). Pays ayant une « culture de la paix » très prononcée, ils préfèrent privilégier le recours aux structures multilatérales ou non-étatiques. Leur approche de la sécurité est indissociable de celle du développement et du respect de principes tels que la démocratie, les droits de l’homme et la bonne gouvernance. Enfin, pour les anciennes puissances coloniales (Grande-Bretagne, Espagne, France, Italie, Belgique et Portugal) leur expérience africaine est le résultat de liens historiques forts et tumultueux avec le continent. Bien qu’ayant gardé une approche militaire de la sécurité, ils s’investissent pour le renforcement des capacités civiles et de police des États africains. La plupart de ces Etats européens proposent notamment des programmes en matière de réforme des secteurs de la sécurité.

 

En conclusion, l’influence des principaux partenaires sur le continent africain est le fait d’une plus grande implication de leur part en matière de soutien militaire, de prosélytisme religieux, de financements et de relations commerciales. Les pays africains, après avoir longtemps entretenu des liens étroits avec leurs anciennes puissances coloniales, se sont affranchis de leur tutelle et tirent profit de la diversification des partenariats avec d’autres continents afin de bénéficier d’un maximum d’apports en capitaux et en technologie.


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